jeudi 9 janvier 2014

Au revoir mon ange

Lundi 6 janvier. Ce jour tant attendu et redouté à la fois... Celui de la délivrance physique, la fin d'1 mois de souffrance morale.

Le réveil sonne. J'essaye mécaniquement d'avaler un café et quelque chose à manger, mais c'est dur. Les contractions ont commencé la veille au soir et sont plus fortes ce matin. Je sais bien que je ne mangerai pas de la journée, mais je m'en fiche. Le sac est prêt de la veille. On s'habille, on va prendre le bus. Tout est surréaliste, prendre le bus avec ces gens qui ont le chance d'avoir une vie normale, d'être dans la routine de leur quotidien... 

On arrive à la maternité, on attend à peine, et on monte vers les salles d'accouchement. On devait aller au bloc, mais il n'y a pas d'accouchement en prévision. Tant mieux. On se retrouve dans la plus grande salle, là où j'ai mis Minibouille au monde... Étrange sensation. C'est comme si je flottais, je me rends compte de tout ça, je ne pleure pas, je ne panique pas, je m'étonne moi-même de ne pas péter les plombs. On fait connaissance avec la sage-femme qui va rester avec nous. Elle nous installe, met la perfusion. L'anesthésiste arrive, la péridurale est vite mise en place. Tant mieux car je commence à voir bien mal, les contractions sont fréquentes, rapprochées... Ce qui serait bon signe, car je n'ai pas encore pris les médicaments qui doivent les donner... ? Ceux que j'ai pris samedi aident juste le col à s'ouvrir. J'ai espoir, envie de croire que du coup ça ne durera pas des heures et des heures.

Le temps passe vite, je ne maitrise pas quelques larmes quand je vois le docteur venir pour "le geste". Elle nous explique comment cela va se passer : la petite va être endormie, puis l'injection létale aura lieu. Elle ne sentira rien, elle sera endormie et s'en ira tranquillement. On me remet une dose de péridurale pour que je ne sente rien. D'un seul coup, il y a plein de monde dans la pièce, on nous met un drap devant nous pour ne pas que l'on voit le geste. Mon homme est avec moi, il me tient la main sans arrêt. Je me concentre sur ma respiration, je m'évade avec des chansons dans ma tête, je suis là sans être là... Et voilà, c'est fait. Elle s'est endormie pour toujours...

Mais pour moi elle est encore là, elle n'est pas encore partie, elle ne le sera que lorsqu'elle ne sera plus physiquement dans mon ventre. Je prends les cachets qui vont déclencher l'accouchement. La SF me dit qu'ils se prennent toutes les 4h jusqu'à ce que le travail commence. 4h! Toutes les 4h ! J'ai un moment de panique, on nous a prévenu à chaque fois que ça allait être long, très long, mais là.... J'ai envie que tout se termine moi. Vite. Le plus vite possible.

Je m'endors vaguement, l'homme va manger un truc en un temps record pour revenir au plus vite. Je me réveille en tremblant comme une feuille, je claque des dents, j'ai chaud, froid, réaction nerveuse ? Ou aux médocs ? Je vide le brumisateur, j'essaye de me reposer pour passer le temps... De fuir dans une somnolence pour ne pas penser...

Un peu avant 15h la sage-femme vient me ré-examiner, le col est ouvert à 2 doigts, ce n'est pas assez. Elle me remet une dose de péridurale car les contactions reviennent violemment, d'un seul coup. Et s'apaisent aussi vite. Elle repart, il y a le temps. Mais 10 mn plus tard, je sens comme une envie de pousser. Une pression forte sur le rectum. Je ne peux pas y croire, le col n'est pas assez ouvert, c'est trop tôt, elle vient de me le dire, je dois juste avoir envie d'aller aux toilettes... Cette sensation augmente, vite, rapidement, l'envie de pousser est irrésistible. J'appelle l'homme, il vient, je lui dis que j'ai envie de pousser, d'appeler la SF, vite, vite, mais vite enfin! Je panique car je sens qu'elle ne sera pas là à temps.... Mon corps l'a fait sortir dans la foulée, elle passe si vite, elle est si petite, je sens juste quelque chose de chaud passer entre mes jambes. Je n'ai même pas besoin de pousser. Elle finit de sortir quand le SF arrive et ne peut que constater que voilà, ça y est. J'ai accouché de notre petite fille. Il est 15h15. J'ai accouché toute seule avec l'homme qui me tenait la main. J'avais tellement peur qu'elle ne tombe en dehors du lit... Mais non, elle est si petite... Les 1ers mots de la SF sont " elle est très belle", ça y est je craque, je me mets à pleurer, je réalise que c'est fini pour de bon. Elle n'est plus, et elle n'est plus dans moi. C'est fini. Elle l'emmène pour lui mettre le lange et le bonnet que nous avons amené pour elle. Je pleure, je pleure, je me sens mal, je vomis. Elle nous demande si on veut la voir, je dis que je préfère finir pour de bon et expulser le placenta, pour être complètement libérée.

On attend un peu qu'il se décolle. Mais non, il ne se décolle pas. Je pousse, rien ne vient.  Je commence à avoir envie de voir notre fille, c'est viscéral. je re-pousse, mais rien ne vient, cela fait plus d'une demi-heure. Alors elle fait venir le docteur. Un homme, tiens, qui commence son service. Il est gentil, parle avec douceur. Il va falloir aller décoller le placenta à la main. J'ai peur, je sais que c'est douloureux. J'ai droit à une dose de cheval dans la péridurale. Et il commence. Ce n'est pas (trop) douloureux, mais très pénible. Je sens qu'on me fouille l'intérieur des entrailles, c'est long, je me concentre sur ma respiration, je repars dans mes chansons, c'est comme pour le geste, je suis là sans être là, avec l'homme qui me tient toujours et toujours la main. Cela me semble très très long. Ce docteur est d'une douceur infinie pourtant j'ai l'impression d'être envahie. Et puis ça y est, enfin. Il fait une écho pour me montrer qu'il n'y a plus rien. 

Maintenant on peut voir notre fille. Quand la SF rentre dans la salle, les larmes coulent toutes seules. Je la prends dans les bras, je la regarde. Qu'elle est belle. Elle est magnifique. Si grande déjà, si parfaite... J'arrive à la caresser, elle est toute chaude, elle a l'air si paisible... Je la berce, l'embrasse, la câline comme si elle était vivante. L'homme la prend à son tour, et moi pendant ce temps je me remets à vomir. Je m'en veux, vomir devant notre fille... Je la reprends un peu mais je sens qu'il faut que j'arrête ou je vais péter un plomb de souffrance. Elle part avec la SF et je pleure encore et encore... Le temps passe, les frissons recommencent, 38,6 de fièvre. On décide de rester à la maternité pour la nuit, je suis fatiguée, épuisée, vidée physiquement et émotionnellement. 

On part dans notre chambre vers 19h. Je n'ai plus eu vraiment de notion du temps une fois que je l'ai prise dans mes bras. Le temps passe, on regarde ses empreintes, son bracelet, on pleure, on en parle, on se console, on sait qu'on a fait ce qu'il fallait pour elle, pour qu'elle ne souffre pas, jamais. L'homme reste dormir avec moi. Je commence à souffrir fortement des tranchées, les cachets ne font pas grand chose. On s'endort d'épuisement. La nuit a été saccadée, j'ai super mal au ventre, chaque fois que je me réveille, je pleure.

Le matin, on décide de la revoir une dernière fois. On passe encore un moment avec elle pour lui dire définitivement adieu. Qu'elle est belle... On l'aime tellement cette petite fille, notre fille, notre bébé. Adieu princesse, au revoir Erika. Je t'aimerai toujours, mon ange.

14 commentaires:

  1. Je ne sais pas quoi te dire, tu as toutes mes pensées et tout mon soutient ♥ plein de bisous

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  2. Les larmes coulent... et je ne trouve pas les mots... Courage courage...

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  3. Je ne sais pas quoi dire.
    Bordel, je pleure comme une madeleine.
    Je sais vraiment pas quoi dire bordel, j'ai envie d'être vulgaire avec moi-même.
    Je suis tellement désolée... :(
    ♥♥♥

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  4. Super poignante cette histoire, les larmes coulent. Quelle souffrance... Je reste sans voix.... Mes pensées à vous et votre ERIKA

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  5. J'ai beaucoup pensé à toi, à vous ce lundi.
    Je ne peux malheureusement rien pour vous aider à passer ce moment si dur, mais je vous apporte tout mon soutient. Je vous souhaite beaucoup de courage pour la suite. Et vous embrasse très affectueusement.

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  6. Je suis en larmes. Ces moments si dures pour toi, que tu as su retranscrire par la plume avec tant d'émotion. Je vous souhaite à toi et ton homme plein de courage.

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  7. Pfff...je pleure avec vous...c'est tellement dur...
    Maintenan t: repartir...reconstruir, se remettre, et s'aimer.
    Bon courage...

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  8. Mes larmes coulent en lisant ton billet si poignant ... Tendres pensées pour votre douce Erika et pour vous ...

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  9. Je n avais rien écrit jusque-là , mais j ai lu ton histoire et là j ai pleuré devant mon écran. Alors je vous souhaite beaucoup de courage et que le temps apaise votre douleur..

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  10. j'en ai les larmes aux yeux. Merci pour ton témoignage plein d’émotion. Je vous souhaite beaucoup de courage, et je vous evoie plein de pensée positives .

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  11. Je te lis seulement maintenant et je pleure.... je pense à vous <3

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  12. Paix pour ta petite Erika.
    Et que tu trouves toi aussi la paix bientot, je l'espère.
    tout plein de courage et de force.
    Je pense à toi.
    bises

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  13. J'ai honte, je ne t'avais pas encore lue. Je voulais un vrai moment de calme et de solitude pour le faire. Ce matin, c'est fait. C'est terrible ce que tu as dû vivre. On se sent tout petit devant l'immensité de votre courage.

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